jeudi 19 mai 2011

Yvan COLONNA, D.S.K. et la présomption d'innocence

Beaucoup de bonnes âmes se répandent sur les antennes pour demander le respect de la présomption d'innocence pour D.S.K. Elles le font après avoir bien développé tout ce qui incline à la présomption de culpabilité. On peut se dire que, pour beaucoup d'entre elles, elles sont aussi sincères dans cette prière que Tartuffe lançant son fameux "Cachez ce sein que je ne saurais voir".
Et pourtant, D.S.K. a bien droit à la présomption d'innocence. Comme n'importe qui. Comme Yvan Colonna, par exemple. Et l'on eût aimé que beaucoup de ces hiérarques du P.S., par exemple, sachent la réclamer en son temps pour le berger de Cargèse. Et qu'ils sachent donc aussi faire taire les propos calamiteux du ministre de l'intérieur de l'époque, Jean-Pierre Chevènement.
Observons aussi qu'on peut  se réclamer du respect de la présomption d'innocence et  agir au rebours de ce principe. L'affaire D.S.K., dans ce qu'elle a de si intensément actuel et de si lourd quant aux multiples conséquences du scandale en est la démonstration lumineuse.   Laissons de côté les verseurs politiques de larmes de crocodile dont la satisfaction et l'intérêt sont si manifestes qu'il est inutile de leur faire un sort. Examinons plutôt, du côté des comportements médiatiques, ce qui apparaît de leurs caractéristiques au grand jour.
Jusqu'ici (lundi 16 mai à 14 heures), on n'a de cette histoire qui implique deux personnes (la victime auto-proclamée et l'accusé) qu'une version unilatérale et parcellaire. C'est celle qui émane des bribes d'information collectées ( à quelle source ?) par des médias américains. Nous ne connaissons pas la réalité exhaustive de l'accusation formulée par la femme de chambre du Sofitel. Nous n'en avons que des échos partiels, incertains et déformés par la rumeur. Même chose pour les premiers éléments de l'enquête. De la version de D.S.K. et de sa défense, nous ne savons rien sinon qu'il va plaider non coupable et qu'il compte se défendre "vigoureusement". Là-dessus, que font nos journalistes (et je regrette beaucoup que ceux de Médiapart ne fassent pas exception) ?
De peur d'être en retard d'une bataille, ils traitent l'événement "à chaud" et répandent aussitôt et à satiété tous les bruits qui courent sans aucune distance ni retenue. Première caractéristique. 
Pour faire bonne mesure, ils bâtissent aussitôt des constructions chimériques sur ce qui devrait se passer dans un mois, dans un an et au delà. Un bon journaliste se doit de prédire l'avenir. Deuxième caractéristique. 
Ils utilisent pour cela des formules qui n'ont que l'apparence de la prudence et de l'impartialité. Troisième caractéristique. Arrêtons-nous un instant sur ce point. La dite information "à chaud" n'est rien moins qu'impartiale. Ce qui est mis en valeur, c'est tout ce qui concourt à la thèse de la culpabilité et - cela a été dit et redit - du comportement pathologique. On "oublie" systématiquement ce qui pourrait laisser penser à un piège dans lequel on aurait fait tomber le candidat possible à la présidentielle française ou le directeur du FMI. On "oublie" donc de s'interroger à qui pourrait bien profiter la machination si machination il y avait. En revanche, on a répété inlassablement les éléments propagés (par qui ?) pour suggérer la fuite précipitée du coupable affolé. Jamais on ne s'interroge sur le vraisemblable ou l'invraisemblable de cette fuite. On finit par faire une place - dérisoire - aux informations pourtant plus consistantes : la place d'avion était réservée depuis longtemps ; D.S.K. s'en va sereinement du Sofitel, il paye sa chambre - 500 dollars (au fait, pourquoi avait-on parlé de suite à 3000 dollars ? au fait, encore, comment se fait-il que le personnel de l'hôtel qui est censé avoir appelé la police dès que la femme de chambre a échappé aux griffes du satyre ait laissé le dit satyre quitter tranquillement les lieux ?) ; le même D.S.K. appelle lui-même l'hôtel pour demander s'il n'a pas oublié l'un de ses téléphones et il indique où le lui porter... Voilà un drôle de fuyard. On pourrait s'interroger aussi sur ce patron de grand hôtel de luxe qui prend résolument le parti d'une femme de chambre contre un client de cette importance. On ne s'attendait pas de sa part à un tel altruisme pour les petites gens. Et encore moins de la part du groupe ACCOR (le groupe français propriétaire de l'hôtel. Au fait, ses gros actionnaires sont-ils membres du Premier cercle ?) qui se fend d'un communiqué en faveur d'une obscure employée de New-York... Voilà donc des patrons bien sociaux. 
On pourrait multiplier les incohérences qui n'intéressent pas la presse. Elle préfère écrire "C'est une bombe si la gravité des faits est confirmée" là où on aurait pu écrire tout aussi bien : "C'est une bombe s'il s'avère qu'un complot a été mis en place pour abattre D.S.K.".
Mais ce n'est pas tout. On s'en va, avec dévotion, proclamant que c'est à la justice américaine "d'établir les faits et de faire émerger la vérité". Autrement dit la justice américaine (puisqu'elle est la justice et américaine) est au-dessus de tout soupçon. Il n'y a pas eu d'affaire Kennedy, il n'y a aucun innocent dans les couloirs de la mort... Cette Amérique-là, n'a jamais fait croire à la terre entière qu'elle était menacée par les armes de destruction massive de Sadam Hussein dont l'armée était prétendument la quatrième du monde.
D.S.K. a des antécédents fâcheux ? Peut-être. Mais les USA ?
Alors, attendons d'avoir entendu toutes les versions et qu'on donne à chacune la même place. Mais comment l'espérer ? La culpabilité de DSK est tellement plus croustillante et commercialement intéressante que son innocence.
 
C'était la même chose pour Yvan Colonna. L'amère expérience de celui-ci montre que le mensonge répandu, il faut beaucoup de courage et d'efforts pour rétablir la vérité. 
 
 

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