samedi 15 mai 2010

L'INNOCENCE D'YVAN COLONNA : FAITS ET ARGUMENTS

L'INNOCENCE D'YVAN COLONNA : FAITS ET ARGUMENTS


PREAMBULE

Dans quelques jours, s'ouvrira le procès des cinq personnes accusées d'avoir aidé Yvan Colonna pendant sa cavale (mai 99 – juillet 2003). Après plusieurs mois de silence, la presse parle à nouveau de cette affaire. Beaucoup d'articles prétendent apporter de nouveaux détails sur la période où Yvan, accusé du meurtre du préfet Erignac, a disparu. Ce qui paraît dans les journaux était déjà connu pour l'essentiel ou ne revêt qu'une importance dérisoire. On apprend  par exemple ainsi qu'Yvan Colonna a subi une échographie dans une clinique de Bastia le 4 mars 2003 à 17 h 37. On admirera la précision du minutage mais on s'interrogera sur son intérêt.
Sur la cavale proprement dite, je crois que mon roman apporte des éléments plus fondamentaux, plus révélateurs du personnage et de sa façon d'agir et parfois plus pittoresques. Mais il est vrai que j'ai puisé à d'autres sources.
J'ai publié « LE ROMAN DE Ghjuvanni STEPHAGESE (clés pour l'affaire Colonna) » voici un an. Il a été lu par des milliers de gens. Beaucoup qui croyaient Yvan Colonna coupable ont avoué avoir été retournés. Mais certains ont estimé qu'un récit romancé relevait de l'imaginaire de l'auteur et n'était donc pas crédible.
Je crois le moment venu de parler au premier degré et de faire la synthèse des principaux éléments qui constituent la trame d'une affaire qui restera une tragédie pour ceux qui en sont les victimes : le préfet Erignac et sa famille ; Yvan Colonna que l'on a condamné à tort à la perpétuité et sa famille. C'est aussi une tragédie pour l'Etat et la République.
J'ai classé par rubriques les faits et les arguments que la longue et minutieuse enquête que j'ai menée m'a permis de rassembler. Je vais les publier ici-même sous forme de feuilleton. Aucun élément n'est décisif à lui tout seul. Mais leur convergence est incontestablement favorable à Yvan Colonna. Aucun de ceux qui connaissent le dossier ne peut l'ignorer.




Comment peut-on croire Yvan Colonna innocent ?
C'est en gros la question que posent systématiquement ceux qui ont mal suivi l'affaire, ont écouté ou lu distraitement des informations de toute façon convergentes, et pensent que, puisqu'il a été été traité publiquement d'assassin par un ministre de l'Intérieur de gauche (J.P.Chevènement) et par un ministre de l'Intérieur de droite (N. Sarkozi), puisqu'il a été condamné en cour d'assises et en cour d'appel, c'est bien qu'il doit être coupable... Les mêmes estiment que la Police, la Justice, malgré quelques erreurs dont l'affaire d'Outreau a montré la possibilité, font grosso modo plutôt bien leur travail. Et puis ce Corse qui agresse ses juges, il n'est pas si sympathique... Quand ses copains l'avaient dénoncé, ils avaient agi sur ce premier mouvement qui est toujours le bon, comme chacun sait. Par la suite, s'ils se sont rétractés, c'est forcément parce que le « clan » Colonna les a convaincus de le faire avec des moyens sans doute peu recommandables.

Pourtant, nous sommes de plus en plus nombreux à penser que l'innocence d'Yvan Colonna est une certitude. Cette certitude s'appuie sur plusieurs séries de raisons fondamentales recueillies dans les accusations des membres du commando et de trois de leurs compagnes, dans les déclarations des témoins, dans la façon dont ont été menés l'enquête, l'instruction et les deux procès, et enfin dans la personnalité de l'accusé.

I - LES ACCUSATIONS

Dans le dossier de l'accusation, il n'y a qu'un seul élément à charge : les déclarations d'une partie des membres du commando2 (pour l'essentiel Maranelli et Alessandri. Quant au chef du commando, Alain Ferrandi, il ne l'a mis en cause qu'indirectement : « ma femme a dit la vérité »), et de trois de leurs compagnes. Le ministère public a affirmé sans trève que ces accusations étaient « précises, réitérées et concordantes ». Ces trois adjectifs ont été pieusement répétés à satiété, surtout le troisième qui est le plus grave s'il est fondé. On peut même dire qu'Yvan Colonna a été condamné sur cet adjectif : « concordantes ». Et en effet, si c'était vrai, ce serait troublant. Mais si la répétition à l'infini d'un mensonge peut en faire une opinion, elle n'en fait pas une vérité.

Les accusations contre Yvan Colonna ne sont pas concordantes, elles sont contradictoires !
Examinons-les.
1 - Et commençons par cette contradiction de taille que le chroniqueur du Figaro, Stéphane Durand-Souffland a rappelée au cours du procès en appel. Elle porte sur ce qui s'est passé le 7 février 99, le lendemain de l'assassinat du préfet Erignac.
Valérie Dupuis est la femme de Maranelli. Le couple habite Cargèse. Elle déclare qu'Yvan Colonna est venu chez eux le 7 février, vers 7h30. Il a amené Didier Maranelli dans la cuisine, ils ont parlé quelques minutes à voix basse puis Yvan est reparti. Après cette entrevue, Maranelli a paru sombre et inquiet.
De son côté, Jeanne, la femme de Ferrandi (le couple habite Ajaccio), déclare que le 6 février, vers 21h30, son mari est rentré chez lui, accompagné d'Alessandri et d'Yvan Colonna. Ils ont tous dormi là et Yvan Colonna est resté le lendemain, 7 février, jusqu'à midi passé.
Stéphane Durand-Soufflant fait observer fort justement qu'Yvan Colonna n'ayant pas le don d'ubiquité, il ne peut pas avoir été en même temps à Cargèse (vers 7h30) et à Ajaccio jusqu'à midi. Même la police a été gênée par cette contradiction. Elle a donc fait modifier les dépositions des deux femmes. Jeanne déclare désormais qu'Yvan est parti de chez elle avant midi. Valérie déclare qu'il est venu chez elle après neuf heures. La contradiction est moins flagrante, elle n'en est pas moins réelle chacun comprenant bien qu'après neuf heures et avant midi, ce n'est pas la même chose. Rappelons aussi que le trajet Cargèse-Ajaccio demande plus d'une heure.
Des contradictions de cette sorte, il y en a bien d'autres.
2 -Déclarations d'Alessandri et de Versini. Elles portent sur l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella, le 6 septembre 97. Le commando est divisé en deux groupes A et B. Alessandri est dans l'un, Versini dans l'autre. Ils affirment (ils sont les seuls à le faire) que Colonna faisait partie de l'expédition. Chacun d'eux dit qu'Yvan était dans l'autre groupe que le sien. Il n'était pas dans le groupe A ; il n'était pas dans le groupe B. Où était-il donc ? Tout à l'heure, il avait le don d'ubiquité ; voilà qu'il est aussi invisible !
3 – Les réunions préparatoires : L'équipe se réunit à plusieurs reprises ici ou là pour préparer l'assassinat du préfet. Ils racontent tous que ces réunions ont lieu tantôt dans la distillerie d'Alessandri à Cargèse, tantôt dans la charcuterie de Versini à Cristinacce, tantôt au garage Hertz de l'aéroport dirigé par Ferrandi. Seul, Maranelli dit que certaines ont eu lieu à Cargèse dans la propriété des Colonna. C'est pourtant un détail mémorable puisqu'il s'agit du domicile du « tueur ».
4 – Maranelli affirme que, la veille du crime, il est allé en voiture avec Alessandri et Colonna faire une tournée de reconnaissance dans Ajaccio. Il raconte encore qu'à un feu rouge, Place Abatucci, leur voiture a été heurtée à l'arrière par une voiture dont la conductrice, Valérie Mariani, téléphonait en conduisant. Interrogée par la suite au sujet de cet accrochage, Valérie Mariani dit qu'elle est descendue de voiture pour le constat. Dans l'autre voiture, il y avait une seule personne : le chauffeur, Alessandri. Maranelli aurait donc menti.
5 – L'arme du crime : Maranelli (encore lui !) affirme que, dans l'après-midi du 6 février, il a con-duit en voiture Yvan Colonna « à une certaine adresse » dans Ajaccio. Là, « quelqu'un » remet à Colonna l'arme du crime.
De son côté, Alessandri déclare que le commando s'est retrouvé vers 18 heures au hangar de Baleone (qui appartient au garage Hertz) près de l'aéroport. Là, ce serait lui qui aurait remis l'arme du crime à Colonna.
Quelle étrange contradiction s'agissant d'un détail aussi important.
6 – Quant au crime proprement dit, le récit qu'en fait Alessandri apparaît surréaliste même s'il n'est pas à proprement parler contradictoire. Ils seraient donc trois : Ferrandi, le chef ; Colonna, le tueur et lui, Alessandri. Ils sont en train de descendre la rue Colonel Colonna d'Ornano. Alessandri est en avant. Ils croisent le préfet qui monte vers le théâtre. Alessandri continue d'avancer sans se retourner. Il entend les coups de feu. C'est seulement maintenant qu'il se retourne et voit le préfet à terre. Or, il y a eu cinq coups de feu. Entre le troisième et le quatrième, l'arme s'est enrayée. Le tueur a tapé sur la crosse, extrait le chargeur et réarmé. Tout cela représente une durée relativement longue. Le moins qu'on puisse dire c'est que les temps de latence d'Alessandri sont singulièrement lents. Ils lui permettent en tout cas de n'avoir rien à dire sur le moment-clé du drame. Il était là, mais il n'a rien vu ! Quant à Ferrandi, il refuse de donner le moindre détail : c'est le meilleur moyen de ne pas se couper. Ils peuvent donner un élément capital : le nom du tueur. Mais ils sont muets sur les broutilles ! Quels sont donc les « détails » révélateurs qu'il s'agit de cacher à tout prix ?

La moindre de ces contradictions aurait dû inquiéter les enquêteurs et les magistrats instructeurs. leur addition aurait dû montrer que le dossier ne reposait que sur des accusations non pas concordantes mais fantaisistes. Tout aurait dû conduire à la relaxe.

A suivre... Demain : « Les Témoignages »

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